Olympisme : enjeux ou jeux ?

© Xavier COQUELLE - 08/2008

Les jeux olympiques semblent cette année pour quelques français avoir glissés vers autre chose :

les enjeux olympiques.

Nous pouvons ainsi voir de curieuses réactions dans la presse comme pour quelques uns de nos champions. Tout semble pour ceux là montrer qu'il n'y a de place que pour l'or.
Nos journalistes débordés par leur enthousiasme regardent terrorisés le tableau des médailles d'or françaises.
Pour ces très grands champions comme Lucie Décosse au judo moins de 63 Kg et Fabrice Jannet en escrime épée individuelle, être second de la planète est un choc violent inacceptable qu'ils semblent ressentir comme l'échec de leur vie. Pour Laure Manaudou en plein bassin de la finale 400 mètres nage libre, c'est le découragement et l'arrêt de combativité dès qu'elle se voit dépassée par plus de trois candidates. Côté américain, Mister Phelps considère qu'un succès correspond à 8 médailles d'or. Les coachs sportifs de ces grands champions auraient ils oubliés quelques fondamentaux, ou auraient-ils perdus de la voix face à d'autres sirènes plus bruyantes ou ignorantes sinon malveillantes ?

Comment arrive-t-on à ces dérives psychologiques ?

Tout d'abord, champion ou pas, une performance s'obtient d'abord par un travail sur un objectif. Tous les bons coachs ou les bons managers le savent bien, la performance peut s'obtenir si un objectif est défini et si, entre autres caractéristiques, cet objectif représente un challenge pour la personne. En d'autres termes, l'objectif devient challenge et ainsi pousse à la haute performance s'il permet à la personne d'y reconnaître un dépassement de soi. Notons cette nuance : il s'agit bien du dépassement de soi et non du dépassement des autres. Cette haute performance du challenge correspond à une définition qui nous appartient tout à fait personnellement. La rééducation suite à des traumatismes physiques est un exemple permanent de cette haute performance. Les rééduqués sont les champions incontestables de tous les jours. Arriver à bouger le pied, la main, un bras ... après une immobilisation accidentelle est une vraie réalisation de soi qui mène à une très belle et intense émotion.
Un champion du monde pourra ainsi voir difficilement comme un objectif haute performance de rester numéro 1 aux jeux olympiques. D'autres ressources sont alors à puiser, un autre travail sur l'objectif qui doit être plus qu'une haute performance déjà atteinte. Les coachs mèneront ainsi leur client vers une autre dimension qui est celle du projet et du rêve. Là encore le rêve de l'un n'est pas le rêve d'un autre. Le travail consistera à identifier ce rêve parfaitement personnel, à s'y balader pour mieux le comprendre, le voir, le sentir.

Une collection ... dort

Le rêve n'est pas pour tous d'admirer une collection de médaille d'or sur des étagères. Pour quelques uns peut-être, pour tous certainement pas. Des interviews de champions, il ressort que pour beaucoup les médailles sont rangées dans des boites mises quelque part dans un grenier. Déception journalistique certes, mais ces champions s'y retrouvent ... ailleurs.
Le rêve de chacun est souvent plus subtil. Nous devons donc chercher avant de trouver des stéréotypes qui seront sans effets psychologiquement.
Le travail des objectifs part ainsi de ce que nous faisons ou pouvons faire pour se rapprocher de ce que nous sommes. Au fond de ce que nous sommes vraiment les ressources deviennent infinies.
Tony Estanguet, à qui on attribue une contre-performance n'ayant pas rapporté de médaille en canoë, dit qu'il gardera un bon souvenir des jeux 2008. Et nous nous rappellerons avec joie de Tony Estanguet qui est notre porte drapeau français des jeux olympiques 2008.

Alors qu'en est-il de la compétition ?

La logique de compétiteur n'est pas un basique psychologique et ne fonctionne que si la personne a spécifiquement en elle même, et au bon niveau, cette valeur de la compétition. La propension à la compétition peut correspondre réellement à une définition identitaire, à une valeur personnelle. Mais elle peut être une caractéristiques conditionnées de la personnalité. Les comportements compétiteurs viendraient alors d'ailleurs, d'une logique interne de contraintes qui n'appartient pas vraiment à la personne. Ces comportements sauraient alors au mieux aiguillonner dans un sens réactif ou défensif. Nous serions loin du bon compte qui consisterait à ce qu'elle puise dans ses ressources motrices les plus puissantes, dans sa puissance personnelle.
Le compétiteur naturel trouve son pôle d'énergie personnelle dans la réussite ou dans le jeu.
Il paraît peu vraisemblable de ne pas considérer une participation aux jeux olympiques comme autre chose qu'une réussite. Et cela devient invraisemblable de pouvoir considérer une médaille d'argent comme un échec. Toute médaille est manifestement un symbole et une reconnaissance de réussite. L'oublier me paraît être une dérive psychologique peu saine. Quel environnement déviant a-t-il mis nos champions dans cet état d'esprit de ne pas le voir ? Bien sûr, il est compréhensible que dans l'état psychologique du feu de l'action, passer si prêt d'un éclatant triomphe peut laisser une déception. Mais une fois cet état de pression dépassé, le décompte qui reste est et mérite d'être celui des succès. Je pense que nos champions se sont, ou ont été, enivrés d'un mauvais poison qui est le sur-enjeu. « Médaille d'or ou tu n'es rien ! »

Le moyen de la haute performance : le plaisir

L'environnement souhaitable est autre. Il se donne les moyens de la haute performance, par le traitement complet de l'objectif et aussi par le soutien inconditionnel, par la reconnaissance du champion qu'il est déjà à part entière lors de l'entraînement, par le respect profond, sincère et exprimé de cet engagement hors du commun du sportif de haut niveau.
L'environnement souhaitable est celui qui met en avant le plaisir immense que nous pouvons avoir à observer l'athlète dans son action, dans son jeu d'excellence. Et qu'il sente lui-même ce plaisir du jeu, qu'il s'en serve à sa mesure réelle comme un moteur de sa propre motivation. Médaille ou pas médaille, les JO sont des jeux et personne ne boudera ce plaisir du jeu si tant est que nous arrêtions ce folklore des sur-enjeux.

Le sur-enjeu tue le jeu.

La plupart, comme moi, préférons voir l'action, le jeu plutôt que le tableau des médailles.
Je pense que nous préférerions tous voir des athlètes dans ce même plaisir. Médaille ou pas, ce qui est certain c'est qu'ils le méritent.
Enfin, dans un accompagnement sur objectif, il reste un passage nécessaire et indispensable à ce niveau des champions : la préparation du plan B.
La visualisation de l'objectif atteint (plan A) est essentielle. Ce serait une sur-visualisation qui occulterait les possibilités du réel que de ne considérer que le plan A. Ce serait une absence d'alternative et donc de choix. Sans choix pourrait-il y avoir une motivation totale ?
La force psychologique efficace demande de savoir envisager l'hypothèse de l'objectif non atteint (plan B) : que représenterait l'objectif A non atteint ?
De multiples réponses satisfaisantes existent si on se donne l'opportunité de chercher. Les dépassements de soi, les cheminements et apprentissages, les améliorations de la maîtrise de soi, la reconnaissance, l'exemplarité sociale et sportive, le bilan des réussites, etc.
Et bien sûr : le plaisir partagé du jeu.

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